Le grand chamboulement

Publié par Alvin NORGE le

Le canton de Bouxwiller partagé en trois, mais dont la dénomination survit avec Hochfelden et Truchtersheim. L’Alsace Bossue à laquelle on adjoint Ingwiller comme chef-lieu de canton. Saverne consolidé avec Marmoutier et la partie nord du canton de Wasselonne. Ces infos, crédibles mais non encore confirmées officiellement, laissent augurer d’un grand bouleversement chez les futurs conseillers territoriaux.

Au pays du bretzel, les cantons se serviront trois fois… Dessin Jean Risacher

La carte bas-rhinoise du redécoupage cantonal, inspirée par le gouvernement, circule par morceaux depuis hier, mais ne sera dévoilée officiellement que ce midi par le président du conseil général Guy-Dominique Kennel. Mais les infos vont vite, et les réactions fusent déjà dans la région de Saverne, où les changements sont d’importance. Rien ne sera définitivement acté avant plusieurs semaines, ce qui fait dire à certains élus que la bataille ne fait que commencer sur ce sujet au niveau national.

Avec ces « méga-cantons », « où sera la proximité ? »
Selon le schéma aujourd’hui privilégié, l’Alsace Bossue voit ses craintes réalisées. Ses trois cantons actuels (Sarre-Union, Drulingen, La Petite-Pierre) seront fusionnés et réunis notamment à la commune d’Ingwiller qui, selon nos informations, deviendrait le chef-lieu de ce nouveau grand canton, auquel il donnerait aussi son nom.

« C’est simple : c’est idiot ! » réagit sans détours Jean Mathia, conseiller général de Drulingen. « Ça ne correspond à aucun SCOT (il existe d’un côté le schéma de cohérence territoriale d’Alsace Bossue et le SCOT de la région de Saverne, ndlr) et à aucune réalité. »

Conseillère générale de La Petite-Pierre, Louise Richert s’insurge : avec ces « méga-cantons », « où sera la proximité ? » Selon elle, « jusqu’à présent, le conseiller général était vraiment l’élu de proximité ». Fonction qu’elle juge difficile à assurer par un futur conseiller territorial, quand « de trois cantons et demi, on ne fait plus qu’un ».

Par ailleurs, la question de la cohérence avec Ingwiller « ne me pose pas de souci ». Ce qui la gêne, c’est que « même si on aura plus de conseillers généraux (46 au lieu de 44 dans le Bas-Rhin, ndlr), le monde rural ne sera plus représenté », au profit de Strasbourg.

Même son de cloche du côté du conseiller général de Sarre-Union Marc Séné, qui relève que « de Siltzheim jusqu’à Ingwiller, ça va faire 50 bornes. Je trouve ça un peu aberrant, la proximité va en prendre un sérieux coup ».

« Une bataille pour que le gouvernement revoie sa copie »
Quant au maire d’Ingwiller Hugues Danner, qui n’était pas au courant hier de ces informations au moment de notre appel, il ne souhaite pas « commenter à chaud », rappelant toutefois qu’« Ingwiller était déjà chef-lieu de canton entre 1790 et 1802 ». À l’époque, ce canton comprenait notamment Lichtenberg, Reipertswiller, Weiterswiller et Wimmenau, joints depuis 1802 au canton de La Petite-Pierre.

Le plus touché par tous ces changements, le conseiller de Bouxwiller Pierre Marmillod, appelle à « une bataille pour que le gouvernement revoie sa copie ». Son canton sera en effet « explosé sur trois cantons » : en partie vers l’Alsace Bossue (Ingwiller), en partie vers Niederbronn-Woerth (dont Pfaffenhoffen, commune dont il est maire), tandis que la commune de Bouxwiller sera liée au futur ensemble Hochfelden-Truchtersheim. Ce dernier ensemble, qui s’étendrait « jusqu’à Handschuheim » en passant par Hochfelden, devrait adopter le nom de ‘canton de Bouxwiller’.

Un éclatement réalisé, selon le conseiller général, « sans aucune logique ». Rappelant que le conseil général dans son ensemble se prononcera sur le sujet en séance plénière le 25 novembre, soit quelques semaines après la présentation prévue ce midi par le président, il se dit « convaincu qu’on peut assouplir la position du gouvernement sur la carte cantonale, comme pour les rythmes scolaires ».

Il rappelle que « le canton de Bouxwiller n’est pas artificiel, il a une existence historique et une logique de bassin de vie. S’il y en avait un à ne pas scinder, c’est bien celui-là. » Il déplore aussi que sa commune de Pfaffenhoffen se retrouve rattachée au nord du Département : « S’il y a un côté vers lequel on n’a aucune habitude, c’est bien vers Niederbronn ». Se disant d’accord avec le principe selon lequel l’organisation des cantons « mérite d’être revue », il dénonce « une vue parisienne de la chose » et demande « une réflexion de fond avec les élus locaux ».

« Après, il ne faudra pas venir pleurer parce que les gens ne viennent plus voter »
Un rapprochement Hochfelden-Truchtersheim conviendrait en revanche à la conseillère générale de Hochfelden Marie-Paule Lehmann, qui l’appelait de ses vœux (DNA du 21 juin). Elle fustige toutefois les effets de cette réforme : « Cette restructuration est une aberration. Au lieu de rapprocher l’élu de la population, on fait l’inverse. Aujourd’hui, mon territoire compte 15 000 habitants, bientôt il y en aura 45 000. » « Après, il ne faudra pas venir pleurer parce que les gens ne viennent plus voter. Plus personne ne connaîtra ses élus ! »

Elle doute aussi des effets du fonctionnement en binôme (conçu, dans le cadre de cette réforme, pour garantir la parité) : « Comme je l’ai dit à Étienne Burger (conseiller général de Truchtersheim, ndlr), le temps des fiançailles c’est très beau, le mariage c’est autre chose »…

« La logique géographique est préservée »
Du côté de Saverne, le conseiller général Thierry Carbiener marque sa satisfaction. Le grand canton de Saverne devrait s’unir à celui de Marmoutier et notamment aussi à la ville de Wasselonne. « La carte garde intégralement les communautés de communes », soit celles de la région de Saverne, du pays de Marmoutier-Sommerau et des Coteaux de la Mossig. Ce qui implique par exemple que la commune de Saessolsheim, actuellement située dans le canton de Hochfelden mais membre de la comcom de la région de Saverne, rejoigne le grand canton savernois, qui comptera désormais « 50 000 habitants ».

« Un grand challenge », commente Thierry Carbiener, pour qui « la logique géographique est préservée », celle du « piémont depuis le Kronthal jusqu’à Saverne ». Ajoutant : « C’est un territoire que je connais bien, pour avoir été le président fondateur du SCOT de la région de Saverne ». Mais d’abord, insiste-t-il, « il y a les municipales, pour la suite on verra après »…

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