Saessolsheim – Un Requiem extraverti
On peut classer les Requiem en deux types. L’extraverti, dont le modèle serait celui de Mozart. L’introverti, qui évoque d’ordinaire celui de Fauré. À rebours de cette tradition, l’ensemble Variations a proposé une version énergique du second, dimanche à Saessolsheim.
En matière d’interprétation d’œuvres célèbres, tout est affaire de curseur et de sensibilité. Les musiciens n’ont bien sûr pas toute latitude : l’intention du compositeur s’impose. Il en va ainsi de ce Requiem , que Gabriel Fauré a dit avoir « composé pour rien », comme le rappelle Francis Jacob, président de l’association des Amis de l’orgue de Saessolsheim.
« Composé pour rien » : manière de dédramatiser la solennité de la messe des morts. Manière aussi de dire la volonté d’éviter les lourdeurs et les effets de pathos, pour se concentrer sur la beauté contemplative des sphères spirituelles.
De cette œuvre de sérénité, et en définitive pleine de vie, l’ensemble Variations, avec ses 56 choristes et musiciens sur la scène d’une église de Saessolsheim comble, a retenu le second aspect.
Sur l’ Introït , le chœur fait d’emblée sentir toute sa puissance, à l’aise avec les variations de la partition, comme le veut son nom. Alors que la première partie du concert, faite d’œuvres courtes de musique française sacrée du début du XXe siècle, laissait entendre un léger manque de cohésion parmi les différentes palettes vocales, le chœur manœuvre ce Requiem avec beaucoup plus de confiance dans un rôle de soutien. Il fait preuve d’une belle unité pour sublimer l’effort de la soprano Ariane Wohlhuter, émouvante de force et de retenue dans le splendide Pie jesu.
Les cordes répondent avec finesse et précision, dynamisées par la direction au rythme enlevé de Damien Simon. Une énergie assez peu usuelle pour cette partition d’ordinaire plus méditative. Ainsi le Sanctus , l’un des plus beaux passages, bien que soigneusement exécuté, pâtit d’une fin un peu rêche et précipitée. Perdant en finesse ce qu’il gagne en puissance – et l’on sait toute la préciosité de la musique française. Cette force brute plutôt que force tranquille fait toutefois merveille sur un tonique Libera me. Avant de clore un In paradisum au final parfaitement négocié, résumant idéalement le parti pris coloré et extraverti, quasi joyeux, de l’interprétation strasbourgeoise.