L’orgue vaut bien une Messe

Publié par Alvin NORGE le

Après Lausanne, Genève et avant Bremen, la Messe en si de Bach sera donnée par l’ensemble Gli Angeli Genève, mardi prochain à Saessolsheim. Un village de 500 habitants dont le rayonnement est assuré par une association vouée à son orgue.

Francis Jacob, directeur artistique des Amis de l’orgue de Saessolsheim.

Au XIXe siècle, à Saessolsheim (près de Saverne) comme ailleurs en Alsace, la mode est à l’orgue. Qui bien sûr « devait être plus grand et plus beau que celui du village voisin », raconte Francis Jacob, professeur au Conservatoire de Strasbourg et habitant le village. C’est ainsi qu’a été construit l’orgue Stiehr, le premier à prendre place dans l’église en 1845. Près de 150 ans plus tard, pourtant, celui-ci est à bout de souffle. Se pose alors la question cruciale : « Soit on fait de grosses réparations, soit on reconstruit ».

« On est parti avec zéro franc. On a rêvé ! »

Mais on est désormais au XXe siècle, et l’idée d’un nouvel orgue suscite moins l’engouement. Quoique. Pratiquant l’instrument depuis l’âge de neuf ans, Francis Jacob a « 13 ans quand on a commencé à parler d’un orgue ». Évidemment, il adhère à ce projet un peu fou. « On est parti avec zéro franc. On a rêvé ! » Ils sont une dizaine de bénévoles, regroupés dès 1988 au sein de l’ASAMOS (association des amis de l’orgue de Saessolsheim).

Débute alors la quête de financements, sous la forme de concerts, tournois de belote, dons, vente de pins, calendriers et tee-shirts à l’effigie de l’orgue ou encore parrainage de tuyaux. Le ministère de la Culture et le conseil général se joignent à l’aventure, et voilà les 2,5 millions de francs ramassés.

Commencée en 1992, la construction aboutit en 1995 à l’inauguration de l’orgue Bernard Aubertin, en chêne, imposant comme il se doit avec ses 2 000 tuyaux, et doté d’une sonorité à part. « C’est un Aubertin pur jus, un instrument qui a de la personnalité. Les sons sont entiers, il y a un côté terroir, naturel. On pourrait dire que c’est la frange bio de la chose. »

Avec son clocher roman du XIIe siècle récemment restauré, l’église de Saessolsheim est l’écrin idéal pour ce joyau contemporain. Au fil des ans, la qualité de l’acoustique et la réputation de son orgue y ont permis l’enregistrement de 15 CD par des organistes de toute l’Europe.

Francis Jacob – avec aussi l’organiste Claude Roser, de Dettwiller – en profite pour s’entraîner à deux pas de chez lui, mais aussi pour expérimenter de nouvelles formules de concert. « Il y a des choses que je fais ici que je ne ferais pas ailleurs », explique-t-il, cela dans l’idée de rendre accessible cette musique sans sacrifier l’« exigence de qualité ». Avec 150 concerts en 20 ans, au rythme d’environ six par an sans compter ceux qui ont lieu pendant un réputé stage estival, l’orgue de Saessolsheim résonne dans le village.

Car il ne s’agissait pas seulement de bâtir un instrument, mais surtout de le faire vivre. Et comme souvent dans un petit village, tout dépend des bénévoles. Autour de la douzaine que compte l’ASAMOS, présidée par Michel Dossmann, ils se sont par exemple mobilisés en vue du concert de mardi, montant une scène soutenue par un dispositif ingénieux : 200 caisses de bière en plastique provenant de la proche brasserie Meteor. « C’est le seul clocher de France où sont stockées 200 caisses de bière vides ! »

Sur cette scène joueront mardi, sous la direction de Stephan MacLeod, 34 musiciens. « C’est le conte de fée. On va quand même faire la Messe en si, avec de grosses pointures, dans un village de 500 habitants ! C’est le plus grand concert jamais fait à Saessolsheim. » Parmi les musiciens, il y aura Francis Jacob derrière un orgue coffre, plus petit et mieux adapté à un tel ensemble. Il envisage tout de même de placer deux pièces courtes, en début de deuxième partie, « pour faire entendre » le grand Aubertin à l’occasion de ses vingt ans. À tout seigneur tout honneur…

Mardi 12 septembre à 20h, église de Saessolsheim, 20€. Réservation demandée : ✆ 06 88 12 54 79, asamos@orange.fr.

Catégories : Recueil