La belle endormie va reprendre vie
Un ancien corps de ferme d’une rare richesse patrimoniale, mis en vente en 2016, a trouvé preneur en août dernier. La société à actions simplifiées (SAS) Imodis, composée de dix jeunes ambitieux, envisage de le rénover. Des projets sont à l’étude pour redonner vie à cet ancien domaine agricole.
Un édifice hors du commun, bâti en 1793 à quelques encablures du centre de Saessolsheim. Assis à une table dressée dans la « klein stube » chauffée au bois par un poêle en fonte de Zinswiller daté de 1818, les membres de la SAS Imodis décrivent avec les yeux qui pétillent les caractéristiques du corps de ferme. Tous conscients de la valeur patrimoniale de ses épais murs à colombages.
« Les bâtiments sont remarquables par leurs dimensions et la qualité des matériaux nobles utilisés », s’émerveille Thomas Logel, un des dix associés. La société, créée spécialement en août 2019 pour permettre cet achat, se compose d’amis et de membres d’une même famille.
Le charme de l’authentique
Érigée en bordure des champs sur un terrain de 40 ares, la propriété ressemble à un corps de ferme traditionnelle, avec la particularité de posséder des volumes peu communs, voire inédits dans la région. Jean-Christophe Brua, architecte conseil spécialisé dans le patrimoine pour l’association de sauvegarde de la maison alsacienne, basée à Schwindratzheim, qualifia « cette belle endormie » comme étant « un des plus imposants corps de ferme du Kochersberg, peut-être même d’Alsace » , lors de sa mise en vente.
La maison principale s’étend sur trois niveaux auxquels s’ajoutent deux de combles.
La maison principale, de type R + 3 avec deux niveaux de combles, s’étend sur une surface de plancher de 1 200 m², dont 980 m² habitables. D’immenses poutres en chêne supportent la structure et la charpente. Certains planchers « sont d’époque et des fenêtres également », insiste Félix Mathis, associé. Les nombreuses pièces et chambres présentent une belle hauteur sous plafond. Tout ou presque y est authentique.
L’intérieur de la maison est « dans son jus ». Il renferme quelques « trésors » découverts par les nouveaux propriétaires.
Accolée à la maison, la grange abrite un immense espace ouvert et, enterrée, une cave voûtée exceptionnelle de 110 m² environ. Les nouveaux propriétaires l’ont vidée des tonneaux qu’elle contenait. « C’est peut-être une des plus grandes et belles caves d’Alsace », poursuit Félix Mathis, spécialisée dans la rénovation de bâtiments, à l’origine du projet d’acquisition de ce corps de ferme. En face, une des dépendances dotée d’une coursive longue de 40 mètres menace ruine. Une partie du bâtiment qui jadis abritait des animaux, les domestiques et les saisonniers de la ferme s’est effondrée, rongée par les affres de la vieillesse.
La grange face à la maison est en mauvais état.
Le bâtiment a « un potentiel énorme »
Si « des doutes » ont émergé à l’origine du projet parmi les associés, compte tenu notamment de l’aspect délabré des lieux, ils « ont été rapidement remplacés par des certitudes », assure Lucas Mathis. Sans connaissances fines du monde du bâtiment, certains ont eu peur devant l’ampleur du chantier à mener. Sans mesurer le trésor architectural que recèle ce corps de ferme. Sous son aspect vieillot et délabré, il est « dans son jus » et possède « un potentiel énorme », s’enthousiasme Félix Mathis.
La bande d’entrepreneurs, âgés de 25 à 30 ans et originaires des communes aux alentours, a finalement acquis l’ensemble dans le but de « le rénover, de conserver son charme, pour lui redonner vie », avance Thomas Logel. L’équipe est jeune et complémentaire. Des professionnels de la menuiserie, de l’électricité, du marketing ou de l’événementiel la composent. Thomas Logel et Félix Mathis possèdent en outre des compétences dans le domaine de la rénovation. « On a une bonne cohésion de groupe et on part sur le même état d’esprit », lance Julien Giron, l’un d’eux.
La SAS Imodis est composée de dix actionnaires : Charlène, Laura, Thomas, Lucas, Luc, Julien, Pierre, Jean-François, Félix et Antoine. Ils posent dans la cave voûtée du corps de ferme.
Depuis leur achat, il y a six mois, les propriétaires œuvrent les week-ends et jours fériés à la consolidation de l’existant et se consacrent aux tâches ménagères le temps de parachever leur projet. Rien n’est arrêté en la matière. Si les associés ont envisagé un temps d’abriter derrière l’imposant portail en fer un lieu touristique, ils réfléchissent aujourd’hui à la faisabilité d’un lieu consacré à l’événementiel : séminaire, mariage.
« Ça peut encore évoluer », tempèrent-ils. Une chose est sûre, la bâtisse ne sera pas rasée pour faire place nette à la construction de logements collectifs modernes. Ce haut-lieu du patrimoine bâti continuera de séduire les amoureux des beaux édifices.