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Publié par Alvin NORGE le

FORTES CHALEURS ET/OU CANICULE EN ALSACE

Bonjour à tous,

Après mûre réflexion au sein de l’équipe, il a été décidé utile et nécessaire de réagir aux nombreux commentaires qui estiment qu’une canicule est quelque chose de banale en été.
Non pas réagir dans le dénigrement mais plutôt réagir avec un post pédagogique qui on l’espère fera prendre conscience à certaines personnes, qu’atteindre 35° C et plus encore en Alsace comme c’est le cas depuis samedi, est quelque chose qui est très loin d’être anodin. On expliquera notamment ce qui peut fausser le ressenti de nombreuses personnes véhiculant l’idée que ces températures « sont normales en été ».
Sans remettre en doute, que l’été c’est aussi de la chaleur, plongeons sans attendre dans les profondeurs du climat alsacien, en se basant sur la climatologie et les relevés de Strasbourg-Entzheim.


► 35° C – UN ÉVÉNEMENT RARE

Premier constat que l’on peut faire au sujet de très fortes chaleurs : c’est un événement rare. 35° C, c’est une anomalie thermique de plus de 9-10° C en juillet et août, plus encore en juin par rapport à un après-midi chaud et standard d’un été normal.

> Entre 1941 et 2000, en donc 59 ans, on dénombre à Strasbourg-Entzheim 30 jours avec des maximales égales ou supérieures à 35° C en été (juin, juillet, août).

> Entre 2000 et 2019, en donc 19 ans, on dénombre entre 52 jours avec des maximales supérieures à 35° C en été (juin, juillet, août) : soit quasiment le double par rapport à la période 1941 – 2000.

Entre 1941 et 2019, soit plus ou moins 7084 jours, c’est 82 jours avec des maximales supérieures à 35° C qui ont été répertoriés à Strasbourg-Entzheim : on comprend vite la rareté de la chose, puisque ça représente à peine 1,1 % des journées d’été de la période retenue.

Évidemment plus on descend dans les chiffres : 34, 33, 32, 31, voire 30° C, davantage sera important le pourcentage, sans qu’il ne soit remarquable, puisque même atteindre 30° C ne représente que 13 % des journées sur cette période retenue (1941 – 2018) pour les trois mois de l’été. Les différentes illustrations jointes à la publication, peuvent également nous apporter quelques infos supplémentaires, puisqu’on peut notamment constater que depuis 2013, nous atteignons inévitablement chaque année ce seuil des 35° C : une série continue record depuis 7 ans, puisque cette année, nous avons à nouveau franchi ce seuil, à de multiples reprises à Strasbourg-Entzheim depuis samedi.

En calculant la norme à partir de 30 ans de relevés (1981 – 2010), on obtient un peu moins de 0,9 jours. Autrement dit, en moyenne, sur une année, le seuil des 35° C devrait être atteint grand maximum une fois si on souhaite garder certaine proportion « normale ».

Atteindre sur plusieurs journées ce seuil est donc très loin d’être anodin, l’on comprend donc sans mal, qu’une canicule est un événement qui sort de la normalité en Alsace malgré des précédents incontestables mais aux conséquences sanitaires là aussi dramatiques.


► UNE BANALISATION DE CES ÉPISODES ? :

Depuis désormais quelques années, l’enchaînement des étés bouillants et souvent très chauds a provoqué de nombreux dégâts sur la perception humaine par rapport ce que peut être un été standard / normal en Alsace.

Peu importe le média, la page météo, … il peut être lu « que c’est normal, c’est l’été », « que c’est du déjà vu », etc … Mais est-ce vrai pour autant ?

Les chaleurs caniculaires que nous connaissons actuellement, sont normales oui … mais pour le sud de l’Espagne en Séville par exemple. Mais en Alsace, non ce n’est pas normal et il est impensable de banaliser ces épisodes qui tue chaque année des centaines, voire des milliers de personnes contrairement à d’autres événements météorologiques (tempêtes, inondations, etc …). Bien entendu, il y a déjà eu des précédents, même au siècle dernier mais ce n’est pas une raison pour en faire des épisodes « normaux ». Les conséquences sanitaires, que ce soit au siècle dernier ou ces dernières décennies restent dramatiques, d’autant plus quant-on sait, que la canicule la plus meurtrière de ces dernières nombreuses décennies date de 2003 … Autant dire, que c’est contradictoire d’affirmer que ces épisodes sont normaux alors qu’en même temps se sont ces épisodes qui détiennent le plus grand nombre de décès vis à vis d’autres phénomènes météorologiques.

Mais pourquoi cette banalisation ? Quels sont les facteurs qui font que la perception de ces épisodes est complètement chamboulée ? (en dehors du facteur purement climatique qu’est l’enchaînement d’étés brûlants).


► UNE PERCEPTION HUMAINE CHAMBOULÉE :

Aujourd’hui, on a malheureusement tendance à minimiser l’impact de la chaleur en été, en se basant sur un ressenti personnel complètement faussé pour diverses raisons :

> La qualité de nos stations météo : c’est un fait mais une station météo « lambda » qu’on retrouve dans certains magasins est de moins bonne qualité que les stations à usage professionnel. Les normes strictes imposées par l’Organisation Météorologique Mondiale ne sont pas respectées contrairement à la plupart des stations du réseau principal de Meteo France où la sonde thermique est placée dans un abri, dans un environnement dégagé, sans « obstacle » qui pourrait provoquer la surchauffe de la sonde, comme le mur d’une maison par exemple.

> Votre façon d’interpréter les mesures : on a souvent lu vos mesures et ce qui nous a frappé, c’est le nombre de fois où l’on a vu des valeurs à plus de 40° C (ce qui est impossible sous abri) : peu de doute que cela contribue aussi à normaliser d’une certaine façon le seuil des 30° C / 35° C dans la région sans que vous vous en rendiez compte ou que vous puissiez y faire quelque chose.

Beaucoup de personnes n’ont aucune idée de ce qu’est un réel 40° C, autrement dit la température de l’air mesuré sous abri, qu’il ne faut surtout pas confondre avec le 40°C indiqués sur le thermomètre de la voiture, sur le thermomètre placé sur un mur d’une maison en plein soleil ou encore du thermomètre du panneau de la pharmacie du coin, etc … puisque sans exception, les valeurs sont dans ces exemples sur-estimées car pas mesurées dans de bonnes conditions (sauf la nuit à la rigueur).

> Certains médias participent à la création de cette pseudo-perception, en élaborant des articles surjoués pour faire du clic ou simplement en partageant des photos d’un panneau de pharmacie affichant 45° C, etc … pour illustrer un épisode qui en réalité n’est même pas capable d’atteindre de telle valeur sous abri (sauf cas exceptionnel en juin 2019 dans l’Hérault).

On ne vous cache pas qu’en Alsace, on ne recense aucune journée à plus 40° C depuis le début des relevés météorologiques, si ce n’est la seule journée du 13 août 2003 à Colmar-Meyenheim …

> Notre mode de vie joue aussi un rôle non négligeable sur la façon qu’on a de percevoir une canicule :

1. Un individu possédant une piscine, avec un climatiseur chez lui, pensera que cette chaleur actuelle n’est pas si difficile à supporter et va plutôt même en redemander.
2. Un individu ne possédant ni une piscine, ni un climatiseur et qui doit travailler en plein soleil au quotidien, pensera que la chaleur est insupportable et souhaitera même rapidement le retour d’un temps plus frais.

Ça reste deux exemples exagérés mais ça n’en reste pas moins une bonne illustration des différentes perceptions qu’on peut lire et entendre quotidiennement.


► CONCLUSION :

Il fait chaud, c’est normal c’est l’été, on est d’accord du moment que ça reste une chaleur typique du climat alsacien, autrement dit, des mois (juin, juillet et août) rythmés par des fluctuations thermiques, entre périodes très douces (22 – 24° C) et périodes un peu plus chaudes (27 – 29° C), sans pour autant partir sur des valeurs moins classiques (>30 – 32° C), rares (>35° C), voire exceptionnelles (>38° C).

On est conscient que ces dernières années avec la succession d’étés brûlants la conscience humaine s’est modifiée : il n’empêche quand même, que pour l’heure, notre population est loin d’être habituée aux très fortes chaleurs comme d’ailleurs la végétation qui a rapidement jauni / dépéri sous cette chaleur ces derniers jours (végétaux déjà très fragilisés par la sécheresse).

Il n’est donc pas concevable de banaliser les très fortes chaleurs, au simple prétexte que c’est du déjà vu, bien que là encore si on veut être pointilleux ce n’est pas toujours vrai, en atteste les records de chaleur tombés l’année dernière lors des deux gros épisodes caniculaires de fin juin et fin juillet 2019.

L’épisode en cours n’est pas d’une intensité inédite mais sa durée est quand même importante. En l’occurrence si on venait à enchaîner 5 journées à plus de 35° C à Strasbourg-Entzheim (on en est a 3 pour l’instant avec samedi, dimanche et ce lundi), se serait quand même notable, puisque depuis 1941, une série de 5 jours consécutifs avec 35° C ou plus n’est arrivée que 2 fois (en 2003 et 2015). Même enchaîner 3 jours de suite avec des températures égales ou supérieures à 35° C est rare, puisque ce n’est arrivé que durant 6 étés : ce qui montre bien là encore que cette canicule sans être inédite, est loin d’être « banale ».

Florian pour MSA 67/68


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