Bérénice dessine pour Charlie
Le dessin de Bérénice Muller, jeune habitante de Saessolsheim, a été retenu pour figurer, avec 149 autres, dans l’album hommage à Charlie Hebdo, Je dessine , paru le 7 janvier dernier. Au lendemain des attentats, la rédaction de l’hebdomadaire satirique avait été submergée par des dizaines de milliers de dessins venant de toute la France.
Bérénice Muller a toujours aimé dessiner « des maisons ou des personnages de Disney ».
Elle a pris son crayon et s’est mise à dessiner. Suite aux attentats perpétrés le 7 janvier 2015, son enseignante de l’époque, Corinne Jourdain, avait demandé à l’ensemble des élèves de sa classe de faire un dessin durant le week-end et de le lui remettre le lundi suivant. À l’époque, Bérénice Muller était en classe de CE1, à l’école de Gingsheim. « Elle venait juste d’avoir 7 ans, Bérénice est du mois de décembre. Elle était petite. Pour nous, c’était difficile d’expliquer… l’inexplicable », raconte sa maman, Cécile. « Chez nous, on a tendance à ne pas cacher les choses. Après les attentats, on était tous un peu angoissé. Ne pas parler de ces événements à nos enfants, c’était prendre le risque de faire rejaillir nos angoisses sur eux. Alors on a très vite parlé, tenté d’expliquer… »
« Ils ont été tués parce qu’ils dessinaient ? »
Ce week-end-là, face à ce devoir un peu particulier, Cécile s’attable aux côtés de sa fille. « Au début, je ne savais pas trop ce que je voulais dire dans mon dessin », se souvient Bérénice. Elle se rappelle des premiers mots qui lui sont venus : « mort », « Français », « journalistes »… Alors sa maman lui explique encore, avec des mots simples pour tenter de lui faire comprendre.
Sa première réaction relevait de l’incompréhension : « Mais ils ont été tués parce qu’ils dessinaient ? »
Comment saisir la portée de cet acte si anodin quand on a 7 ans ? Elle qui adorait dessiner, et qui dessine toujours, « des maisons ou des personnages de Disney », qui passe son temps à écrire des histoires ancrées dans son quotidien et qui voudrait devenir plus tard « maîtresse » parce qu’elle « aime les élèves » mais aussi « la grammaire et l’orthographe ».
C’est peut-être son amour du dessin et du français qui lui a permis de franchir le cap de la page blanche. « Finalement, j’avais décidé de dessiner un drapeau français », indique Bérénice. Un drapeau autour duquel s’articulaient le mot courage composé de dessins de crayons et quelques phrases. « Avec derrière (en toile de fond), un arc-en-ciel », ajoute-t-elle.
« La maîtresse a ensuite envoyé nos dessins à Charlie Hebdo. » Quelques mois plus tard – fin, juin, début juillet – les parents de Bérénice ont été contactés par l’association « Dessinez Créez Liberté », initiée par Charlie Hebdo, SOS Racisme et la FIDL (syndicat de lycéens), pour assurer la diffusion des dessins réalisés par des enfants et des adolescents, seuls ou en classe. « Deux dessins avaient été sélectionnés pour figurer dans un album hommage, indique Cécile Muller. Celui de Bérénice et celui d’une de ses camarades Laura, alors âgée de 9 ans. » Relevant : « À l’époque, le projet semblait un peu flou. Et puis, on a été recontacté fin novembre. » Le projet avait pris forme.
Le dessin de Bérénice a été retenu parmi des milliers d’autres. Au total, 150 dessins ont été réunis dans l’ouvrage Je dessine paru aux éditions Les Échappés. Sorti le 7 janvier dernier, le livre est divisé en huit thématiques, le dessin de Bérénice figure dans le chapitre « Tous égaux ». La jeune dessinatrice se dit « contente » même si « c’est un peu bizarre de voir mon dessin et mon nom dans un livre ».
« Ce qui se passe, c’est énorme »
Un peu timide, posée, Bérénice a raconté son « aventure » à quelques amies, « mes deux sœurs ». Avec ses parents, ils sont restés très discrets. « On est fier », reconnaît sa maman, qui a du mal à trouver ses mots. « Ce qui se passe, c’est énorme. Ça nous dépasse. »
D’autant que l’aventure continue. Après avoir été interviewée par Mon quotidien, un journal d’actualité pour les 10-14 ans, Bérénice a apporté son témoignage, hier mercredi, pour la réalisation d’un web-documentaire qui sera mis en ligne prochainement sur Internet.
« Dix enfants qui ont réalisé un des dessins de Je dessine sont filmés », précise sa maman. « Et Bérénice et le seul enfant de l’Est de la France. »
Cécile Muller indique également que l’ouvrage paru en janvier servira à la création d’un support pédagogique : « L’album pourra être utilisé en classe, dans le cadre des enseignements ». « Il est aussi question de mettre en place une exposition itinérante ou encore d’utiliser ces dessins lors d’intervention en classe… ». Au-delà de l’hommage, du témoignage, le dessin de Bérénice va avoir une valeur pédagogique.
Et après ? « Après, c’est fini, a priori », assure sa maman. Bérénice, aujourd’hui âgée de 8 ans et élève en classe de CE2 à Saessolsheim, elle, va continuer à apprendre, à écrire. Et à dessiner.